C'est fou ce que ça passe.
C'était hier que je tombais à la renverse devant l'improbable mèche de cheveux qu'arborait ce mioche de 12 ans qui venait de réussir à attraper le plus gros pompon du manège de la BBC.
Matt Smith. Le voilà, là, dans ma télé pour la première fois, planté comme une asperge au milieu d'un confidential consacré à sa personne. Ses bras qui s'agitent dans tous les sens, Seigneur, attachez-lui donc les mains avant qu'il ne renverse la caméra!
Je l'ai vécu. J'espère le revivre souvent, et me prépare à le revivre déjà.
Mais avec Matt, c'était la première fois.
Je suis tombée dans la marmite du Whoniverse assez récemment - on était en février 2009 (et oui, je ne suis encore qu'un bébé à bord du TARDIS. Je connaissais la série avant bien sûr, mais il y a connaître et connaître, n'est-ce pas), et j'étais malade, et il était 20h et je voulais ne pas dormir trop tard, et france 4 rediffusait cette série ridicule sur laquelle je m'étais arrêtée parfois. La dernière fois le type mignon discutait avec une grosse tête orange en caoutchouc. Ça sera parfait pour comater.
Mais ils étaient dans la plus grande bibliothèque de l'univers, et il y avait cette femme qui savait tout alors que moi je ne savais rien - ce qui était aussi le cas du type mignon, d'ailleurs. Comment j'aurai pu résister à ça? (et là peut-être on trouve l'une des raisons de ma dévotion à River - quelque part c'est aussi un peu grâce à elle que je suis là).
Résultat des courses et grâce au replay d'orange, dans la nuit j'ai vu la bibliothèque s'éteindre, le Titanic manquer de sombrer et des poivrières rigolotes envahir la terre. Entre temps, j'avais oublié que j'étais malade et qu'il me fallait dormir.
Puis j'ai fait faire à ma carte bleue l'un des trucs les plus fous que je ne lui ai jamais fait faire: je lui ai demandé de faire venir à moi les 4 premières saisons d'une série dont je ne savais encore quasiment rien, comme ça, sur un spectaculaire coup de tête (vivent les commentaires Amazon qui m'ont redirigée d'emblée sur les versions UK, au passage). Je n'avais jamais fait une dépense aussi impulsive avant, je ne l'ai jamais refait depuis. Mais je ne l'ai jamais regrettée, on s'en doute bien.
Voilà mon histoire de Whovian - je ne l'avais jamais racontée, parce qu'elle n'intéresse personne; et parce qu'elle m'appartenait. Mais on n'oublie pas ces moments là, n'est-ce pas?
Mais nous étions en février 2009. Quelques jours pour démêler les fils, et donc ce type est le 10e à jouer le rôle, ah mais il a annoncé qu'il partait, ok, je note. L'autre, aux grandes oreilles, est déjà parti depuis des années. Il était chouette. Un nouveau arrive, la Grande-Bretagne a découvert son nom il y a quelques jours, mais je ne le connais pas. Pour l'instant il ne m'intéresse pas: j'en ai déjà 2 à découvrir.
Nine et Ten ont tous deux été mes premiers Docteurs lorsque j'ai enfin découvert la série pour de vrai: l'un à la suite de l'autre, dans un espace temporel tellement réduit que ma foi, ça revenait au même. Je les ai découvert en même temps, j'ai rattrapé leurs années d'aventures en quelques semaines, et, surtout, je savais déjà qu'elles se finissaient avant même que ne je les entame. Ten avait encore quelques cartouches à griller d'ici à la fin de l'année, mais je le savais déjà en me lançant dans son histoire. Ses 4 années n'ont pour moi duré que quelques mois. Il était déjà là pour moi avant même la régénération de Nine, et je le savais déjà mourant avant même de le voir naître.
Et puis la fin forcée de ma crise boulimie (c'est qu'au bout d'un moment, y en a plus), et l'envie d'en avoir plus. L'envie de découvrir le nouveau - il est déjà prêt, je le sais, sa bouille est là depuis un mois pour les autres, mais un mois, ça n'est rien, et ça n'est qu'avec un mois de retard que j'ai rattrapé ce fameux confidential. C'est même drôle comme des années plus tard j'ai l'impression de l'avoir vu en live. Sauf que c'est impossible, puisque pour mon moi de l'époque on était donc déjà en février - et le confidential a été diffusé le 3 janvier. C'est une drôle de chose, la mémoire.
Bref. D'un coup, tout m'est tombé dessus. L'impatience, et l'excitation, et l'inquiétude aussi, un peu. Un nouveau, dont je ne sais rien. Et tout ça, vécu pour de vrai, au jour le jour, au fil des mois. Pour la première fois.
Eleven est le premier que j'ai vu naître. Il n'a d'abord existé qu'en photos de tournages et en vidéos volées. Quelques flashs du nouveau costume, une réplique qui passe dans un courant d'air, et ces longs mois d'attente... Puis il arrive comme une tornade, emportant avec lui le TARDIS de Ten. Il se découvre, petit à petit, il grandit, il murit. Pour ça il lui faut des années.
Et ces années je les ai vécues. Jour après jour, pendant 4 ans, j'ai vécu tout ça, en direct, et on est à mille lieues de l'enfournage que j'ai connu pour Nine et Ten, puis pour les classiques ensuite. Il n'y a rien finalement qui se compare à ça: à accompagner un Docteur, comme ça, tout le long du chemin.
Et un jour on apprend qu'il s'en va. Et de nouveau, pour moi, cette annonce est une première fois. Ten était sur le départ mais pas encore parti quand je suis arrivée, j'ai connu la fin du processus, mais ça n'est pas tout à fait pareil quand il nous en a manqué le début: l'annonce avait déjà été faite. Je retrouve une excitation que j'avais connu alors, mêlée d'une tristesse qui m'avait déjà effleurée. Mais c'est différent. Parce que j'ai fait tout ce chemin avec lui, ça ne peut qu'être différent.
Parce que c'est pour moi la première fois que la fin a eu un vrai début.
J'aime le 11e Docteur. Pas plus qu'un autre, certes. Mais pas moins non plus. Certainement pas moins.
Mais il n'est pas "Mon Docteur", ni même mon premier Docteur.
Et pourtant il EST mon premier Docteur.
Et pour aujourd'hui au moins, il est Mon Docteur.