La sonnerie de l'école réveilla Barbara. Elle ouvrit doucement les yeux et regarda autour d'elle, gênée de s'être endormie encore une fois durant l'une des rares heures
de libre de son emploi du temps. Elle devrait être entrain de corriger des devoirs et de préparer ses cours, se rappela-t-elle à l'ordre, au lieu de somnoler dans l'un des confortables fauteuils
de la salle des professeurs du Lycée Coal Hill.
Mais alors qu'elle rassemblait ses idées, elle se pardonna elle-même, jugeant que la journée avait été exceptionnellement chargée. Pour commencer, elle avait dû remplacer Mr Lambe,
le professeur d'Allemand, qui était parti avec un groupe d'élèves pour une sortie scolaire dans la forêt noire. Après ça elle avait eu droit à une heure difficile avec la classe 4B pour qui la
guerre d'indépendance américaine n'avait été qu'une bonne excuse pour commencer une bataille de boulettes de papier mâché.
Partie 1/3
Elle regarda anxieusement sa montre et poussa un soupir de soulagement. Elle avait encore 40 minutes devant elle avant son cours sur les Aztecs d'Amérique du Sud au XVe
siècle, largement le temps de trouver un moyen de capter l'intérêt de ses élèves tout sauf enthousiastes.
Elle jeta un regard au travers de la salle des professeurs en direction de Ian Chesterton, et s'autorisa un léger sourire à le voir lui aussi affalé dans son siège, profondément endormi.
Elle sursauta soudain. Ian n'aurait pas dû pas être endormi, n'avait-il pas cours à cette heure ci? Si le directeur s'apercevait qu'il avait raté un cours pour un petit somme, il le paierait
cher.
Pas encore tout à fait réveillée, Barbara se leva et rejoignit le professeur de sciences. 'Mr Chesterton?' dit-elle, le secouant gentiment par les épaules. 'Ian, réveillez-vous.’ Mais Ian
marmonna dans son sommeil, sans se réveiller.
Barbara se retourna brusquement alors qu'elle captait la présence d'une autre personne, se tenant à l'autre bout de la pièce. Elle était sur le point de réprimander la
jeune fille pour être entrée dans la salle des professeurs sans frapper lorsqu'elle vit à quel point celle-ci était pâle. La sympathie naturelle de Barbara pris le pas et elle se précipita vers
elle. La jeune fille était visiblement en détresse.
'C'est Susan Foreman, n'est-ce pas?' demanda-t-elle. La fille acquiesça vaguement de la tête puis posa les mains sur ses tempes en gémissant. Elle semblait sur le point de s'évanouir et
Barbara la retint par le bras.
'T'es-tu blessée à la tête?' demanda-t-elle. Susan hocha de nouveau la tête.
'Oui, c'est terrible'. Il n'y avait aucune plaie visible mais Susan commença à se masser les tempes pour calmer la douleur évidente qu'elle subissait.
'Laisse-moi regarder' insista Barbara, mais Susan semblait n'écouter qu'à moitié.
'J'ai mal à la jambe, aussi,' dit-elle en se penchant pour se frotter le genou. Barbara la guida vers une chaise. Alors qu'elle s'y laissait tomber, Susan soupira.
'C'est mieux, la douleur est partie...'
Elle regarda la salle des professeurs, autour d'elle, avec stupéfaction, cligna des yeux, et soudain un éclair de compréhension sembla illuminer son visage.
'Pendant un moment, je ne savais pas du tout où j'étais...' Barbara la regarda bizarrement, et s'apprêtait à la questionner lorsque Susan aperçu un vieil homme sur le sol. Elle bondit de
sa chaise.
'Grand-père!', cria-t-elle, en se précipitant vers lui.
Barbara enregistra la présence du vieil homme pour la première fois, et la pensée étrange de se dire que c'était assez ennuyeux qu'il ait choisi le milieu de la salle des professeurs pour
s'évanouir lui traversa l'esprit. Puis elle s'élança elle aussi et se pencha sur lui avec inquiétude. Elle le regarda avec curiosité, sans tout à fait le reconnaitre, mais son esprit pratique
supposa qu'il était l'un des professeurs assistants employés pour remplacer les professeurs atteints par la grippe, qui faisait rage en ce moment.
Il avait l'air d'un professeur de Latin ou de Religion. Il avait une blessure plutôt inquiétante sur le côté du crane, et ses long cheveux gris étaient entachés de
sang.
'Il s'est ouvert la tête', dit-elle. Susan prit les choses en main:
'J'ai de la pommade.’
'Bien,' approuva Barbara, 'prends aussi un peu d'eau.'
Susan se releva et se dirigea vers la porte, et Barbara la regarda passer devant la large table au milieu de la salle des professeurs.
Susan poussa soudain un cri de consternation alors qu'un brusque étourdissement la prenait par surprise. Barbara la regarda tituber loin de la table.
'Susan, que se passe-t-il?', s'inquiéta-t-elle en la rejoignant.
Susan retrouva son équilibre et repoussa l'aide de Barbara. Elle semblait avoir oublié le vieil homme étendu sur le sol et s'intéressait maintenant à Ian affalé sur sa chaise.
'On ne devrait pas l'aider?' demanda-t-elle.
De quoi cette fille parlait-elle? se demanda Barbara avec colère. Ian ne faisait que dormir après tout; à la manière dont Susan avait réagi on aurait dit qu'il était sur le point de rendre son
dernier souffle!
'Ne soit pas bête, Susan', rétorqua-t-elle, 'Mr Chesterton va parfaitement bien.'
Elle retourna son attention vers le vieil homme. 'Mais je n'aime pas du tout cette coupure...’.
Susan se souvint soudain. 'Oh oui...' dit-elle doucement. 'De l'eau..Que c'est-il passé?' demanda-t-elle d'une voix perplexe.
'Je n'en sais rien!' répondit Barbara, agacée. 'Contente-toi de faire ce qu'on te demande!'
Sur ce, Susan quitta la pièce. Barbara enleva son cardigan et l'enroula autour de la tête du vieil homme. Satisfaite de lui avoir apporté un peu de confort, elle se
dirigea vers Ian qui, aussi incroyable que ce soit, était resté endormi durant toute la crise. Cette fois elle parvint à le réveiller. Il la regarda d'un air comateux.
'Vous travaillez tard, ce soir, Mlle Wright.." dit-il avant de frotter sa nuque douloureuse. Pendant un moment il se dit qu'il avait dû boire un verre de trop au Cricketers, le pub que
fréquentait la majorité de l'équipe enseignante après les heures de cours.
'Ne soyez pas stupide, Ian,' dit Barbara. 'On est au beau milieu de l'après-midi - et vous avez raté votre cours de physique,' continua-t-elle sur un ton de reproche.
Ian grimaça sous les réprimandes de Barbara. Il essaya de se lever et retomba aussitôt assis alors que le monde tournoyait autour de lui. Il grogna; peut-être avait-t-il passé l'heure du
déjeuner au Criketers après tout.
'Vous pensez que je pourrais avoir un verre d'eau, Barbara?' demanda-t-il.
'Susan est parti en chercher.'
'Susan?'
'Oui, Susan Foreman'
Toujours sonné, Ian balaya la salle des professeurs du regard et vit le vieil homme.
'Qu'est-ce qu'il fait là?' demanda-t-il lentement.
'Il est blessé à la tête', expliqua Barbara. 'On ne peut rien faire tant que Susan n'est pas revenue avec de l'eau et de la pommade.'
Mais Ian avait déjà traversé la pièce - avec difficulté - et s'agenouillait près du vieil homme. Il toucha sa poitrine et se tourna vers Barbara d'un air soulagé.
'Son cœur bat toujours et sa respiration est régulière.' Il souleva les mèches de cheveux blancs pour examiner la blessure. 'Je ne pense pas que cette coupure soit aussi grave que vous le
pensez.'
'Mais, et s'il s'est fracturé le crâne?'
Ian afficha un sourire plein d'ironie: Barbara s'emballait encore une fois. ' Je ne pense pas que ça soit si grave que ça.' répéta-t-il. 'Mais qui est-ce?'
Barbara fronca les sourcils. 'Vous ne le savez pas? Je pensais qu'il était l'un des professeurs remplaçants...'
Ian secoua la tête. 'Je n'ai jamais vu ce vieux bonhomme de toute ma vie'.
Barbara était sur le point de répondre lorsque le vieil homme commença à remuer. Ses lèvres tremblèrent alors qu'il murmurait quelque chose. Se penchant, Ian et Barbara
parvinrent tout juste à comprendre ses mots.
'Je ne peux pas te ramener, Susan... je ne peux pas!’ Il grogna avant de plonger de nouveau dans l'inconscience.
Barbara et Ian échangèrent un regard intrigué. De quoi le vieil homme parlait-il? Ian haussa les épaules.
'Il divague,' dit-il.
Mais quelque chose dans le ton du vieil homme et sa référence à Susan avaient touché une corde sensible dans l'esprit de Barbara. Elle cligna des yeux et regarda autour
d'elle. Ce que son cerveau fatigué et choqué avait rationalisé comme étant la salle des professeurs de Coal Hill se brisait maintenant en un million de pièces chatoyantes de lumière avant de se
reformer. Les murs, constata-t-elle, étaient couverts de dentelures larges et circulaires, et non d'avis de personnel comme elle l'avait cru. La télévision, posée en hauteur sur une étagère,
ressemblait maintenant à un drôle d'écran vidéo qui semblait jaillir directement du mur. Même la large table sur laquelle la majorité des enseignants corrigeaient leurs copies rétrécit et se
transforma en une étrange console en forme de champignon.
Finalement remis du choc de la décharge massive d'énergie, son cerveau finit enfin par traduire correctement les images de son environnement. Elle empoigna le bras de Ian, son attention
temporairement détournée du corps inconscient du Docteur.
'Ian, regardez! Vous ne voyez pas? Ian fronça les sourcils et, sous l'insistance de Barbara, lui aussi commença à redéfinir son environnement.
'Qu'est-ce que c'est?' demanda-t-il, toujours un peu étourdi. Les souvenirs revenaient par vagues alors que tout commençait à prendre sens.
'C'est le vaisseau,' dit Barbara, presque avec étonnement. 'On est dans le TARDIS!'.
… masquer la partie 1
Partie 2/3
Bien que toujours hébétée par le choc, et déstabilisée par le comportement de Barbara, le TARDIS restait une maison pour Susan, et elle l'avait reconnu comme tel
presqu'aussitôt. Il lui était donc facile de s'y retrouver au milieu des nombreux couloirs qui allaient de la salle de contrôle à l'intérieur du vaisseau. Celui qu'elle avait emprunté la mena
dans la petite buanderie adjacente aux zones d'habitation. Elle ouvrit une armoire de secours et en sortit un rouleau de bandage duquel elle coupa une longueur à l'aide d'une paire de ciseaux.
Elle rangea la bande dans une des larges poches de sa robe, et y glissa également les ciseaux sans y penser.
Se rappelant qu'il lui fallait de l'eau, elle gagna la salle de repos du TARDIS. C'était une grande pièce à peu près de la taille de la salle de contrôle, qu'elle et
son grand-père, et plus tard Ian et Barbara, utilisaient pour se délasser et se relaxer. Une grande bibliothèque couvrait presque entièrement l'un des murs de la pièce, et contenait les
premières éditions de tous les plus grands classiques de la littérature Terrienne: Les œuvres complètes de Shakespeare dont certaines étaient personnellement dédicacées, Le Contrat Social de
Rousseau, La République de Platon, et l'étrange travail d'un philosophe français du nom de Fontenelle sur les possibilités de vie sur d'autre planètes (ce dernier avait toujours fait glousser
le Docteur.) Le professeur d'anglais de Susan à Coal Hill aurait été intéressé de constater que la bibliothèque du Docteur ne contenait aucune œuvre de Charles Dickens.
La pièce disposait également de quelques meubles antiques, aucun d'entre eux n'étant aussi austères que ceux de la salle de contrôle. Derrière une magnifique chaise-longue Chippendale et une
table en acajou, sur laquelle reposait un jeu de backgammon en ivoire, se trouvait la machine à nourriture - une grande machine couverte d'ampoules et de boutons, ressemblant à un distributeur
de boissons sur Terre. Susan tapa sur le clavier le code qui commandait l'eau.
Elle fronça les sourcils alors que l'écran indiquait que la machine était vide. Cependant, le sachet plastique rempli d'eau lui fut délivré malgré tout. Confuse, Susan haussa les épaules,
récupéra le sachet et retourna à la salle de contrôle.
Susan courut tout le long du chemin, anxieuse à l'idée de perdre des minutes précieuses pour son grand-père. Mais une fois arrivée à l'entrée de la salle de
contrôle, elle resta immobile, figée d'horreur, toutes pensées pour son grand-père momentanément oubliées.
Barbara et Ian étaient toujours penchés sur le Docteur, mais ils se relevèrent aussitôt qu'ils entendirent le cri de terreur de Susan. Ils suivirent le doigt tremblant
que pointait Susan, droit vers les doubles-portes derrière eux. Elles s'ouvraient sans bruit, emplissant la salle de contrôle d'une lumière forte d'origine inconnue. Au delà de cette lumière
les trois voyageurs ne pouvaient rien distinguer - juste un vide béant. Incapable de bouger, Susan parvint à dire dans un souffle de terreur:
'Les portes... elles ne peuvent pas s'ouvrir d'elles même... Elles ne peuvent pas...' Puis sa voix s'éteignit, alors qu'elle regardait la console de contrôle qui baignait toujours dans une
gerbe de lumière.
Le rotor temporel central était immobile, ce qui indiquait normalement que le TARDIS avait atterri. Mais les quelques écrans d'affichage encore actifs montraient
clairement que la machine temporelle était toujours en vol.
Et si c'était le cas, pensa Susan, tous les trois auraient dû être réduits à l'état d'atomes aussitôt que les portes s'étaient ouvertes en laissant entrer les forces furieuses et incontrôlables
du vortex du temps. Et, moins important, mais plus curieux, le bouton de contrôle des portes sur la console était toujours en position verrouillé.
En théorie les portes ne devraient pas être ouvertes. Et en théorie ils devraient être morts. Qu'arrivait-il au TARDIS?
Ian fit un vague geste en direction du Docteur sur le sol.
'Il a peut-être ouvert les portes avant de se blesser?" suggéra-t-il. "Peut-être qu'il y a eu un genre de défaut, une réaction à retardement, et elles ne s'ouvrent que maintenant?'
Susan regarda son grand-père, mais ne fit aucun mouvement vers lui.
'Non... il n'aurait pas... pas alors qu'on était encore en vol...' Soit voix était faible et tremblante.
'Alors elles ont dû s'ouvrir de force pendant qu'on s'écrasait, ' dit Barbara.
'S'écrasait?' demanda Ian.
'Oui, Ian, rappelez-vous. Il y a eu une explosion et on s'est tous évanoui.'
'Non,' dit Susan fermement. 'Le vaisseau ne peut pas s'écraser - du moins pas dans le sens où vous l'entendez. C'est impossible... Et de toute façon, les contrôles indiquent que
nous sommes encore en vol...' sa voix s'éteignit de nouveau, puis après une courte pause: "Ecoutez.'
'Qu'on écoute quoi, Susan?' demanda Ian. 'Il n'y a aucun bruit.'
La jeune fille acquiesça. 'C'est vrai... Tout s'est arrêté. Tout est aussi silencieux que.. que...' Dans l'obscurité, les bruits de la salle de contrôle étaient si sinistres qu'elle ne put
s'empêcher d'ajouter 'qu'un tombeau.'
'Non', dit Barbara. 'Il y a quelque chose. Ecoutez...'
Alors qu'ils tendaient l'oreille, ils entendirent une série de longs soupirs, inspiration-expiration inspiration-expiration, comme le souffle d'un homme blessé qui essaye de capturer son
dernier souffle avant de s'éteindre. Dans le noir le son devenait menaçant et effrayant. Barbara frissonna. Ça doit être le système de survie d'urgence du TARDIS qui envoie de l'oxygène dans le
vaisseau, raisonna-t-elle. Ça ne peut qu'être ça...
Susan balaya la pièce du regard. La lumière en provenance des portes ouvertes illuminait les visages des deux professeurs d'un éclat sinistre, leur donnant un air
irréel et lugubre. Les autres lumières produisaient des ombres inquiétantes sur les murs; l'ombre du lutrin en forme d'aigle du Docteur semblait les menacer comme un oiseau de proie.
Le rayon de lumière derrière la table de contrôle augmentait puis faiblissait, comme s’il battait la mesure de la respiration omniprésente. Susan passa sa main sur sa nuque et découvrit qu'elle
était couverte d'une sueur froide. Barbara vint la réconforter.
'Susan, tout ira bien.'
Susan se libéra de l'étreinte du professeur.
'Non,' insista-t-elle, ses yeux furetant dans toutes les directions, 'vous vous trompez. J'ai un mauvais pressentiment. Il y a quelque chose dans le vaisseau!'
'Ça n'est pas possible', dit Ian d'un ton plus convaincu qu'il ne l'était réellement.
'Vous le sentez aussi, n'est-ce pas?' demanda Susan à Barbara, d'une voix presque accusatrice.
Barbara sentit un frisson lui parcourir l'échine, mais elle était déterminée à ne pas laisser paraître sa peur.
'Ne soit pas stupide, Susan,' la réprimanda-t-elle avant de désigner le Docteur étendu sur le sol. 'Ton grand-père est souffrant.'
'Quoi?'
Barbara regarda son ancienne élève d'un air étrange. Son comportement n'était pas normal. En temps normal elle aurait rejoint son grand-père en un instant. Mais au lieu
de ça, elle regardait au loin d'un air vitreux; le choc de l'accident - ou quoi que ce soit - avait dû l'affecter plus qu'elle ne l'avait imaginé. Même Ian semblait plus léthargique et
silencieux que d'habitude.
'Susan, arrête ça!' dit-elle sévèrement. 'Donne-moi la bandelette.'
Sortant de sa torpeur, Susan tendit la bandelette à Barbara qui regarda les bandes de différentes couleurs d'un air interrogateur.
'Les parties colorées sont celles couvertes de pommade,' expliqua Susan. 'Vous verrez les couleurs disparaitre au fur et à mesure qu'elle pénètrera. Quand la bande est blanche, la plaie est
complètement guérie.'
Barbara hocha la tête avec approbation et se pencha à nouveau vers le Docteur. Après avoir humidifié son front à l'aide de son mouchoir et de l'eau apportée par Susan, elle enroula le bandage
autour de sa tête. Elle ne pu retenir un petit rire: avec cette bande multicolore autour de la tête, le Docteur avait l'air d'un pirate.
Pendant que les filles s'occupaient du Docteur, Ian alla fureter autour des portes ouvertes. Il était déterminé à savoir ce qui se trouvait à l'extérieur - si tant est
qu'il y avait quelque chose.
Dès qu'il fut à moins de trois pas, les portes se refermèrent avec un bruit sourd, plongeant une nouvelle fois la salle de contrôle dans une semi obscurité. Barbara et Susan levèrent la tête
vers le bruit, alors que Ian se tournait vers elles.
'C'est vous qui avez fait ça?' demanda-t-il avec empressement.
Susan essaya de toutes ses forces de garder une voix calme, mais sa peur était clairement audible.
'Aucune de nous n'a touché les commandes.'
Ian fit demi-tour et s'éloigna des portes pour rejoindre ses deux compagnes. Alors qu'il s'éloignait, les portes s'ouvrirent à nouveau, baignant une nouvelle fois la pièce d'une lumière
surnaturelle. Il retourna sur ses pas et s'approcha une deuxième des portes, qui claquèrent à nouveau.
'Qu'est-ce qu'il se passe ici?', demanda-t-il d'un ton irrité. 'Vous vous moquez de moi?'
Les deux filles secouèrent la tête. Susan semblait affolée. Le Docteur et le TARDIS étaient les deux seules choses dans sa vie qui restaient constantes et fiables; et maintenant son grand-père
gisait inconscient sur le sol, et le TARDIS commençait à se comporter de manière imprévisible et presque malveillante. Si ces deux choses s'écroulaient, que lui restait-il?
Elle sorti soudain de son état d'incertitude et bondit sur ses pieds. Avec le Docteur hors d'état d'agir elle était la seule capable de découvrir ce qui arrivait au
TARDIS.
'Je vais essayer les commandes' décida-t-elle.
Barbara murmura une mise en garde mais Susan fonça d'un air résolu vers la console de contrôle centrale. Elle leva une main pour toucher les commandes de l'un des six panneaux mais avant
qu'elle ait pu l'atteindre, son corps convulsa, son dos s'arqua, et elle tomba loin de la console pour rejoindre son grand-père dans l'inconscience, étendue sur le sol.
… masquer la partie 2
Partie 3/3
Ian se précipita à ses côtés, et chercha automatiquement un pouls. Il regarda Barbara.
'Elle s'est évanouie,' dit-il. 'Mais je ne comprends pas - elle allait parfaitement bien il y a une minute.'
'Oui,' dit Barbara. 'Mais un peu avant ça vous étiez tous inconscients...'
Ian se releva et se dirigea vers la console. Alors qu'il s'approchait il commença à trembler et sembla sur le point de tomber. Barbara le rejoignit précipitamment.
'Qui a t-il?' demanda-t-elle d'une voix remplie d'inquiétude.
Ian secoua la tête. 'Je ne sais pas.. j'ai été pris de vertige d'un coup...' Il leva une main à son front. 'Et j'ai un terrible mal de tête…'
'Ça ne vous ressemble pas du tout...' dit Barbara. Ian avait toujours eu une santé de fer. 'Vous ne pensez pas que ça puisse être dû à des radiations, n'est-ce pas? Comme quand on était sur
Skaro?'
'Je ne sais pas, Barbara,' répondit Ian, impuissant. 'On ne sait pas quel genre d'énergie a pu être libérée par cette explosion...'
'Asseyez-vous' lui ordonna Barbara. 'Laissez-moi vous conduire jusqu'à une chaise.'
Alors qu'ils s'éloignaient de la console, Ian indiqua les portes du doigt. Cette fois elles étaient restées fermées.
'Je ne comprend pas', dit-il. 'Qu'est-ce qu'il se passe ici? Comment ces portes ont-elles pu s'ouvrir d'elles-mêmes?’
'Ian, vous ne pensez pas que quelque chose a pris possession du TARDIS, n'est-ce pas?' Barbara pouvait toujours entendre la respiration régulière autour d'eux; sa logique lui avait
dit qu'il s'agissait du système de survie du TARDIS - mais dans l'obscurité menaçante de la chambre de contrôle elle n'en était plus si sûre. Un intrus aurait-il pu monter à bord du TARDIS
d'une façon ou d'une autre et s'appliquait-il maintenant à les harceler avant de les éliminer? 'Comment je suis sensé le savoir!' s'énerva Ian avant de s'excuser aussitôt pour son ton brusque;
la tension et la précarité de leur situation commençait à l'affecter lui aussi.
A leurs pieds le Docteur commença à grogner. Barbara se pencha vers lui.
'Il commence à bouger', dit-elle avant de regarder Ian avec inquiétude. 'Ian, vous vous sentez mieux?'
Il lui affirma que oui.
'Dans ce cas, prenez Susan et mettez-la au lit. Je veillerai sur le Docteur.'
Ian hocha la tête, et souleva doucement Susan. Avant de quitter la pièce il se tourna une dernière fois vers Barbara, agenouillée avec inquiétude près du visage frêle du vieil homme.
'Si quoi que ce soit arrive, faites-le moi savoir.’
Barbara sourit, un sourire en demi-teinte qui n'essayait même pas de masquer l'état d'anxiété dans lequel elle se trouvait.
'Qu'est-ce qui pourrait arriver?' demanda-t-elle.
'Je ne sais pas...' dit Ian, réalisant que cette incertitude était leur plus grande faiblesse. S'ils savaient ce qui les attendait ils pourraient s'y préparer de manière rationnelle et le
surmonter. Mais dans l'obscurité et le silence d'un TARDIS étrangement menaçant, tout ce qu'ils avaient était leur peur et leurs incertitudes, et ils étaient à bout de nerfs.
Alors que Ian quittait la pièce, le Docteur ouvrit les paupières. Il leva ses yeux vitreux vers Barbara. Il lui fallu apparemment quelques instants avant de la
reconnaitre. Une fois qu'il y fut parvenu, sa première pensée fut pour sa petite fille.
'Susan' croassa-t-il, 'Susan va bien?'.
Barbara eu un sourire rassurant. 'Elle va bien. Ian prend soin d'elle. Et vous, comment allez vous?'
Satisfait de savoir que sa petite fille était en sécurité, le Docteur laissa échapper un soupir de soulagement et s'autorisa à considérer sa propre condition. Avec l'aide du professeur il
parvint à s'assoir.
'Ma tête...' se plaint-il en touchant son bandage.
'Vous vous êtes ouvert la tête quand vous êtes tombé,' lui expliqua Barbara. 'Mais ça va aller, la pommade fait son effet.'
Les bandes colorées étaient beaucoup plus pâles, un signe certain que le traitement de Susan fonctionnait. Le Docteur se massait l'arrière du crane.
'Ca fait mal là,' gémit-il.
Barbara examina sa nuque; elle ne vit aucune trace de bosse ou ecchymose. Pendant qu'elle regardait, le Docteur laissa échapper un cri de douleur terrible.
Barbara était bouleversée: elle n'avait jamais vu le Docteur dans cet état là auparavant. Pour la première fois elle réalisait à quel point ils dépendaient de lui, à quel point il était devenu
la figure centrale de leurs vies; si quoi que ce soit lui arrivait ils n'auraient jamais aucune chance de pouvoir un jour s'échapper de la maison de fous qu'était devenu le TARDIS. Est-ce que
Susan, qui n'était encore qu'une enfant, serait capable de commander le vaisseau toute seule? Barbara savait qu'elle et Ian en seraient incapables. Devant les ombres impénétrables qui
enveloppaient la salle de contrôle, et au son de cette étrange respiration laborieuse, Barbara fut soudain inquiète et très, très effrayée...
Ian transporta le corps avachi de Susan dans les couloirs sombres jusqu'à ce qu'il atteigne les quartiers de repos du TARDIS.
Comme toujours, il se demanda de quelle taille était réellement la machine temporelle. Ses corridors et passages semblaient s'étendre à l'infini et il savait que pendant son court séjour à bord
du vaisseau du Docteur il n'en avait exploré qu'une toute petite partie.
En fait, tout ce qu'il avait vu du TARDIS était sa salle de contrôle et la salle à manger, les chambres et la salle de repos. Il n'avait pas la moindre idée de ce qui pouvait se cacher d'autre
au cœur de l'engin. Le Docteur et Susan avaient parlé d'un laboratoire et d'un atelier, et même d'un conservatoire, d'une galerie et d'un studio privés, mais le Docteur décourageait activement
toute exploration plus poussée de son vaisseau. Même après de longues semaines de voyages à ses côtés, et les épreuves traversées sur la Terre préhistorique et sur Skaro, il n'avait toujours
pas totalement confiance envers les deux professeurs qui lui avaient imposé leur présence à Totters Lane.
Ce bouc suspicieux et ingrat, pensa Ian alors qu'il ouvrait du pied la porte de la chambre de Susan. Tout comme le reste du TARDIS, la chambre de Susan avait été plongée dans une
semi-obscurité, et bien que les yeux de Ian y étaient désormais habitués, il se déplaça quand même avec précaution dans cette pièce qui ne lui était pas familière. Il trouva le lit et y déposa
doucement Susan.
Regardant autour de lui, il vit une lampe à huile antique posée sur une table et l'alluma à l'aide de l'une des allumettes qu'il gardait dans sa poche. La flamme
vacillante distordit et amplifia les ombres sur le mur, mais il était reconnaissant de la lumière qu'elle lui fournissait.
Il attrapa une couverture à carreaux qui trainait sur une chaise et en couvrit Susan. Le pouls de la jeune fille était toujours rapide, nota-t-il, et elle commençait à avoir de la fièvre.
Il lui fallait trouver de quoi faire baisser sa température, décida-t-il.
Il quitta la pièce et longea le couloir jusqu'à la salle la plus proche. Le Docteur n'avait montré que récemment à Ian et Barbara comment utiliser la machine à nourriture, et il pensa s'être
trompé dans les commandes quand la machine cliqua et ronronna, avant de réaliser que le témoin d'eau indiquait que le réservoir était vide. Néanmoins, comme pour Susan avant lui, un sachet
d'eau tomba et Ian s'en empara, pensant avec ironie que le génie du Docteur pour inventer toutes sortes de gadgets n'était pas aussi grand qu'il voulait le faire croire. Même dans cette
situation cette pensée lui apporta une satisfaction étrange: le Docteur n'était pas si futé finalement, en dépit de toutes ses formules rhétoriques.
Alors qu'il regagnait la chambre de Susan il s'arrêta brusquement: Susan était réveillée et se tenait raide devant son lit. Son bras droit était tendu et elle
brandissait une longue paire de ciseaux pointus vers Ian d'un air menaçant.
Ian recula instinctivement et regarda Susan avec circonspection. Son visage était pâle, tendu et crispé, ses cheveux habituellement coiffés avec style étaient en désordre; ses yeux grand
ouverts étaient fous, enflammés de terreur.
'Susan, qu'est-ce que tu fais?' demanda-t-il doucement, tout en l'approchant précautionneusement.
Susan s'avança vicieusement, les ciseaux en l'air, comme pour le prévenir de ne pas s'approcher plus près. Mais quand elle parla, sa voix parue forcée et saccadée, comme un robot.
'Qui-êtes-vous-'
'Susan, c'est moi, Mr Chesterton,' lui dit Ian en tendant une main. 'Donne-moi les ciseaux, tu n'en a pas besoin.'
'Que-faites-vous-ici-', à nouveau ce ton plat, vide d'émotions, contredit par la peur dans ses yeux.
'Susan, donne-moi ces ciseaux' répéta Ian fermement.
Susan le fixa d'un regard fou avant de plonger le bras en avant, visant le visage du professeur. Ian recula, juste à temps pour éviter la pointe des ciseaux. Susan
était sur le point de faire une deuxième tentative quand son expression changea et elle se mit à dévisager curieusement Ian, semblant le reconnaitre pour la première fois. Son regard
passa d'un air confus de Ian aux ciseaux dans sa main, puis à nouveau à Ian.
Ian restait là, impuissant devant les gémissements de douleur et de frustration de Susan qui retomba sur le lit en pleurant.
Comme possédée, l'élève de 15 ans commença à donner de violents coups de ciseaux dans son matelas. Elle continua pendant presque une minute avant de s'effondrer sur le lit, épuisée et le
visage couverts de larmes, enfouissant sa tête dans l'oreiller. A ses côtés les ciseaux cliquetèrent et tombèrent, inutiles, sur le sol.
… masquer la partie 3