Ian et Barbara restèrent devant la porte pendant de longues minutes alors que le Docteur parlait à sa petite fille. Ils échangèrent des
regards inquiets et abattus. Une nouvelle fois on leur faisait clairement sentir qu'ils étaient des étrangers à bord, exclus des vies extra-terrestres du Docteur et de Susan. Cet esprit
"eux-et-nous", affiché avec talent par le Docteur, n'aidait pas à se sentir en paix et en sécurité à bord du TARDIS.
'Qu'est-ce qui se passe là dedans?' demanda Barbara.
Ian lui montra les ciseaux qu'il avait ramassés sur le sol de la chambre de Susan.
' Je ne sais pas', dit-il. ' Susan semblait être devenue folle... on aurait dit qu'elle ne me reconnaissait pas... et puis elle m'a attaqué avec ces ciseaux.'
Barbara laissa paraitre son incrédulité. Ian continua:
‘Ne me demandez pas de l'expliquer, Barbara. Elle avait l'air possédée.'
Barbara senti un frisson de peur lui parcourir l'échine en entendant Ian. Elle changea de sujet.
'De quoi pensez-vous qu'ils soient entrain de parler?'
Ian haussa les épaules. 'Comment pourrai-je le savoir? On le saura sans doute quand ils seront prêts à nous le dire et qu’ils en auront envie.'
La porte s'ouvrit finalement et le Docteur sortit.
'Susan se repose maintenant', dit-il. 'Je lui ai donné un sédatif léger.’ Il s'arrêta le temps de lancer un regard méprisant aux deux enseignants, comme s'il les accusait de l'état de
confusion mentale de Susan, et qui exprimait clairement la faible opinion qu'il avait d'eux.
'Maintenant je suggère que l'on rassemble nos idées et que l'on discute de notre situation actuelle.’ Il ouvrit la marche jusqu'à la salle de repos et se laissa tomber dans la chaise
longue Chippendale, s'étalant comme un enfant afin d'occuper tout le siège pour obliger Ian et Barbara à rester debout.
Il parla comme s'il s'adressait à un groupe d'étudiants un peu bornés, d'un ton qui ne tolérait aucune interruption. Comme bien trop de "conversations" avec le Docteur,
celle-ci n'était qu'un prétexte pour qu’il puisse pérorer devant un public attentif.
'Voilà comment je vois la situation', commença-t-il. ' Nous avons subi une explosion importante, à cause de laquelle les circuits principaux et les distributeurs d'énergie du TARDIS
ont été massivement endommagés. Pour le moment nous n'avons aucun moyen de savoir ce qui a provoqué cette explosion, et à quel point le reste du vaisseau a été affecté. Susan m'a suggéré que le
TARDIS aurait peut-être calé, et se serait retrouvé coincé d'une manière ou d'une autre dans le vortex du temps. Ce que je conteste. Toutes les indications transmises par les instruments qui
fonctionnent encore indiquent que l'on est toujours en vol; encore que le rotor temporel immobile suggère qu'en fait, nous nous sommes matérialisés. Le rotor temporel est l'instrument le plus
sensible de mon vaisseau et j'aurai plutôt tendance à le croire. Nous avons indubitablement atterri.'
'Mais où?' persista Barbara. 'Où sommes-nous?'. Les raisonnements logiques du Docteur commençaient à l'exaspérer.
Le Docteur secoua la tête et leva une main pour l'inciter au silence.
'Tut, tut, toutes ces questions, Mlle Wright...' son ton condescendant eu finalement raison de l'ancienne professeure d'histoire.
'Vous n'en savez rien du tout, c'est tout!' rétorqua-t-elle. 'Derrière vos airs pontifiants et supérieurs, vous êtes autant dans le noir que nous. Pourquoi ne pas
admettre que vous n'avez pas la moindre idée de ce qui nous est arrivé et nous laisser essayer de résoudre ce problème ensemble?'
'Ma chère Mlle Wright, j'ai beaucoup plus d'années d'expérience que vous ne pourriez jamais en rêver,' répliqua le Docteur, furieux de voir ses aptitudes mises en doutes par une simple
enseignante terrienne du XXe siècle. 'J'ai étudié dans les plus grandes écoles et avec les esprits les plus brillants de tout l'univers. Et si je ne peux pas trouver de réponses à notre
problème je doute fort que votre esprit primitif puisse ne serait-ce que trouver les questions!'
Barbara jeta un regard de pure haine non déguisée au vieil homme arrogant et pompeux. Si Ian n'avait pas posé une main sur son épaule
pour la retenir, Dieu sait ce dont elle aurait été capable, mais il est probable que la santé du Docteur en aurait pâti. Au lieu de ça, elle se contenta d'être furieuse après lui et choisit
intelligemment de quitter la pièce, de dégout.
Ian était plus pondéré que Barbara et, même si l'attitude arrogante et abrasive du Docteur l'agaçait tout autant, il jugea plus
sage de faire appel à la vanité du Docteur. L'homme était certes insupportable, mais il disait malheureusement la vérité: il était effectivement le seul à pouvoir les sortir de cette situation.
Mieux valait le flatter pour le moment.
'Vous devez sûrement avoir une idée de l’endroit où on est, Docteur,' dit-il gentiment.
'Où nous sommes est moins important que pourquoi, jeune homme,' lui répondit le vieil homme, évitant astucieusement la question. 'Je dois avouer que je suis un peu perdu à ce sujet. Jamais rien
de tel n'était arrivé au TARDIS auparavant. Mais chaque problème a sa solution. Il doit y avoir une réponse, il le faut!'
'Peut-être que le Localisateur d'Erreur pourrait nous le dire?' suggéra Ian. Il faisait référence à un large panneau d'ordinateurs dans la salle de contrôle qui surveillaient et régulaient
toutes activités du TARDIS. Si n'importe quel instrument du TARDIS était endommagé de quelque façon, le Localisateur d'Erreur indiquerait la section à réparer.
Le Docteur hocha la tête avec approbation et le guida hors de la salle de repos, claquant des doigts comme s'il ordonnait à un caniche de le suivre. Ian se mordit la langue dans un effort
pour garder son sang froid et le suivit.
Alors que les deux hommes arrivaient à la salle de contrôle, Barbara s'y trouvait déjà, se tenant raide dans
l'ombre de l'horloge en bronze doré du Docteur, les bras croisés dans une attitude qui dissimulait à peine son irritation. Elle jeta un regard venimeux au Docteur et se retourna d'un air
boudeur.
Le Docteur l'ignora et se tourna vers Ian. 'Vous n'avez pas touché aux commandes, n'est-ce pas?' demanda-t-il.
'Non,' répondit Ian. 'Quelque chose se produit à chaque fois qu'on approche de l'un des tableaux de bord. Un genre de décharge électrique, j'imagine.'
'Et vous?' demanda le Docteur à Barbara. Son silence de pierre était une réponse suffisante. Le Docteur tapa ses doigts les uns contre les autres.
'Je sais que Susan ne toucherait pas les commandes sans ma permission...' Il secoua la tête. 'Je m'inquiète pour cette jeune fille' dit-il, se parlant presque à
lui-même. 'Cette perte de mémoire temporaire est le plus inquiétant… ça n'est jamais arrivé. Elle a toujours été une enfant très sensible; le choc de l'explosion a dû la traumatiser plus qu'on
ne l'a d'abord pensé...'
… masquer la partie 1
Barbara, qui furetait dans son coin, leva les yeux vers Ian.
'Je me demandais...' tenta-t-elle.
Son récent conflit avec le professeur déjà oublié, le Docteur bondit avidement sur ses mots.
'Oui, qui a-t-il? N'importe quoi pourrait nous aider.'
Barbara baissa les yeux pour éviter le regard du Docteur alors qu'elle ajoutait 'Et bien... vous pensez que quelque chose aurait pu pénétrer dans le vaisseau?'
'Pschaw!' dit-il avec mépris, réagissant exactement comme Barbara l'avait redouté. 'Mon vaisseau est inviolable, Sacre Dieu! Rien, ni physiquement ni mentalement, ne peux passer au travers ses
défenses extérieures sans ma permission expresse!
Barbara fixa le vieil homme droit dans les yeux. 'Les portes étaient ouvertes,' dit-elle catégoriquement.
'Ne soyez pas ridicule!' La colère du Docteur montait de nouveau. 'Susan a dit la même chose pendant que je lui parlais, mais elle a dû avoir des hallucinations. Les portes ne peuvent pas
s'ouvrir si la commande n'est pas activée. La simple idée qu'elles puissent êtres forcées par un pouvoir extérieur est grotesque!'
Intrigué par la théorie de Barbara, Ian ignora le Docteur, à la grande indignation de ce dernier.
'Qu'est ce que vous voulez dire, quelque chose aurait peut-être pénétré le vaisseau?' lui demanda-t-il. 'Un homme, quelque chose comme ça?'
Barbara hocha la tête.
'Ca n'est pas très logique n'est-ce pas?' la réprimanda le Docteur, comme s'il s'adressait à un élève récalcitrant. 'Sincèrement, Mlle Wright... '
'Ou quelque chose d'autre' continua Barbara. 'Une autre forme d'intelligence peut-être...'
Le Docteur renifla dédaigneusement. 'Comme je l'ai dit, Mlle Wright, ça n'est pas très logique, n'est-ce pas?'
'Non, ça ne l'est pas - mais est-ce ça doit l'être!' éclata Barbara, de nouveau en colère devant l'attitude hautaine du Docteur. 'Peut-être que ma réaction est exagérée par rapport à la
situation, peut-être que je me laisse emporter par mon imagination. Mais au moins j'essaye de trouver des réponses. Et de toute façon, et si tout ça n'était pas logique? Pourquoi refusez-vous
d'admettre que les choses ne sont pas toujours logiques? Après tout ce qu'on a traversé - '
Le Docteur agita un doit de réprimande vers Barbara. 'Sincèrement, Mlle Wright', dit-il avec condescendance, 'Si vous n'avez rien d'utile à dire je vous suggère de -'
'-Et bien, que suggérez-vous? Vous êtes si puissant et si brillant. Vous êtes sensé avoir toutes les réponses. Alors dites-nous ce qui se passe ici. Allez-y - racontez-nous!'
Le Docteur détourna son regard. Barbara avait touché un point sensible. 'J'ai été très patient avec vous, Mlle Wright,' tergiversa-t-il. 'Mais honnêtement, on n'a plus le temps d'écouter vos
théories absurdes.'
Ian tenta de calmer la tension qui grandissait entre le Docteur et Barbara.
'Ca n'est probablement qu'un problème mécanique,' dit-il raisonnablement.
'Exactement!' dit le Docteur, ravi qu'au moins un de ses deux risibles compagnons humains fasse preuve d'un peu de sens commun. 'Un problème mécanique, ça doit être ça. Mais j'ai peur que ça
puisse venir de l'unité d'alimentation principale. Si la panne vient de là on pourrait avoir de sérieux problèmes. Si c'est le cas, je devrai peut-être assister moi-même les machines. '
Il se tourna vers Ian, ignorant une nouvelle fois Barbara.
'Jeune homme, maintenant que Susan ne peut plus se rendre utile je pense que vous pourriez essayer de m'aider avec le Localisateur d'Erreur. Ca ne sera pas long.'
Ian acquiesça mais avertit le Docteur. 'D'accord. Mais je ne m'approcherai pas de la console centrale si j'étais vous, Docteur. Ca pourrait vous envoyer une décharge électrique!'
‘ Quoi? Oh oui, un conseil très sage en effet, Chesterton. Maintenant, venez ici!'
Le Docteur traversa la salle de contrôle pour rejoindre l'unité qui contenait le Localisateur d'Erreur.
Avant de le rejoindre Ian se tourna vers Barbara qui se tenait près des portes menant à l'intérieur du vaisseau.
'Je jure qu'un jour je l'étranglerai, ' Dit Barbara.
Ian sourit. 'Vous devrez rejoindre la file d'attente.' Dit-il. 'Barbara-'
'-Gardez un oeil sur Susan?'
Ian hocha la tête. 'Ne lui dites rien de ce qui se passe sur le vaisseau,' murmura-t-il, presque comme s'il conspirait. 'Moins elle en saura et mieux elle se portera.'
'Venez, Chesterton! ' Appela impatiemment le Docteur à l'autre bout de la salle de contrôle. Ian haussa les épaules et rejoignit son compagnon plus âgé.
Barbara resta immobile un petit moment avant de quitter la pièce, permettant à Susan, cachée derrière la porte, de remonter le couloir pour rejoindre sa chambre. Alors qu'elle passait devant la
salle de repos elle récupéra rapidement la paire de ciseaux que Ian lui avait confisquée et qu’il avait abandonné là. Elle avait entendu le moindre mot prononcé entre Ian et Barbara. Ne lui
dites rien de ce qui se passe sur le vaisseau. Donc, raisonna-t-elle dans son esprit confus, quelque chose était effectivement monté à bord du TARDIS. Et il y avait plus, Ian et Barbara étaient
au courant.
Le Localisateur d'Erreur était en fait une série d'ordinateurs et de moniteurs alignés sur tout un mur de la salle de contrôle du TARDIS. Il était séparé du reste de la
pièce par une large vitre transparente. La plupart des éclairages qui fonctionnaient encore provenaient de là; pour une raison inconnue l'étrange perte de pouvoir qui avait affecté la majorité
des instruments du TARDIS semblait ne pas avoir atteint le Localisateur d'Erreur. La seule autre source lumineuse de la pièce provenait de la gerbe de lumière en haut du rotor temporel au
centre de la console de contrôle.
Le Docteur indiqua un écran d'ordinateur à Ian.
'Maintenant, jeune homme, sur cet écran vous verrez une série de lettres et de nombres. Chacun d'entre eux représentent un instrument de bord particulier de mon vaisseau. Si l'un de ces
numéros clignote ça signifie que cet instrument fonctionne mal. '
Ian signala qu'il avait compris et le Docteur entra un programme sur le clavier du Localisateur d'Erreur. Une suite de nombres commença à défiler devant les yeux de Ian.
Ian fixa l'écran numérique pendant dix minutes, son visage illuminé d'une façon macabre par la lueur vert-émeraude de l'écran. Finalement chaque pièce et instrument du
TARDIS furent passés en revue. Il se tourna vers le Docteur qui attendait son compte rendu.
'Et bien, Chesterton?' demanda-t-il impatiemment. 'Que dit le Localisateur d'Erreur? Quel est le problème avec mon vaisseau?'
Ian fronça les sourcils. ' C'est bizarre, Docteur,' dit-il. ' Selon lui, rien ne cloche avec le TARDIS. Chaque pièce de ce vaisseau fonctionne parfaitement.'
'Balivernes!' se moqua le Docteur. 'Notre pouvoir a été sérieusement réduit. D'après vous et Mlle Wright, les portes semblent s'ouvrir d'elles-mêmes. Susan a dit que la machine à nourriture
fonctionne mal. Il doit y avoir quelque chose qui cloche. Êtes-vous sûr d'avoir lu les instruments correctement?'
'J'ai fait exactement ce que vous m'avez dit, Docteur.' répliqua Ian avec humeur. 'Regardez vous-même si vous ne me croyez pas. J'ai même vérifié deux fois les mécanismes qui contrôlent
l'ouverture des portes et la distribution d'eau et de nourriture. Chaque instrument du TARDIS est en parfait était de marche - et pourtant rien ne fonctionne. Il pourrait y avoir une panne dans
le Localisateur d'Erreur lui même?'.
Le Docteur secoua la tête. 'Non non non, c'est impossible. Le Localisateur d'Erreur fonctionne sur un autre système et a une source de pouvoir indépendante; c'est sa nature même.'
Il fronça les sourcils et se gratta le menton. ' Chaque appareil de ce vaisseau est sensé fonctionner parfaitement et pourtant nous subissons cette étrange perte
d’énergie. Je me demande...' Le Docteur se caressa le menton et regarda Ian d'un air pensif.
'Oui, Docteur?' anticipa Ian.
'Je pense que vous et moi, jeune homme, devrions descendre dans le moteur du TARDIS et dans les salles de distribution d'énergie.' dit-il finalement. 'Le Localisateur d'Erreur
n'enregistre aucune panne à bord de mon vaisseau, donc il va nous falloir examiner nous même ses mécanismes de pilotage. Vous êtes d'accord?'
Ian fronça les sourcils, étrangement troublé par l'enthousiasme avec lequel le Docteur avait posé sa question. Il acquiesça de la tête malgré tout.
'Où sont les salles de distribution d'énergie, Docteur?' demanda-t-il. 'Vous n'en aviez jamais parlé jusqu'à maintenant.' 'Tout en bas, au cœur du vaisseau, Chesterton,' dit le Docteur. ' Ils
constituent le centre nerveux de mon engin.'
Le Docteur s'éloigna du Localisateur d’Erreur et traversa la chambre de contrôle. Il souleva l'un des anneaux sur le mur, révélant un petit espace de rangement
duquel il sorti deux petites lampes à huile, semblables à celle qui se trouvait dans la chambre de Susan. Il les alluma et en tendit une à Ian.
'Il fera très sombre en bas,' expliqua le Docteur. 'Elles nous donneront un peu de lumière.'
‘ Des lampes à huile?’ demanda Ian, interloqué. 'Ca n'est pas un peu primitif?'
'Nous n'avons aucun moyen de savoir quel genre de force est entrain d'aspirer l'énergie de mon vaisseau, ' répondit le Docteur. 'Mais quoi que ce soit je doute que ça puisse agir sur quelque
chose d'aussi simple et primitif qu'une combustion d'huile.'
Souriant malgré lui, Ian suivit le Docteur à travers la porte ouverte, vers l'intérieur du TARDIS.
… masquer la partie 2